Puente 120(2005)
EL GRITO DE LAS MUJERES ARGENTINAS… ¿ TODAVÍA DE ACTUALIDAD ? – ENTREVISTA A LA ACTRIZ FRANCE BASTOEN –
• “Terre des Folles”
El Teatro ZUT, situado en la zona urbana de Bruselas, estrenó este mes de febrero “Terre des Folles”, un texto escrito por Laurence Cossé y dirigido por Marine Haulot. Este espectáculo teatral tenía como tema “Las madres de Plaza de Mayo”.
• Breve semblanza histórica : “Las Madres de Plaza de Mayo”
En Argentina, durante la dictadura de los años 70, un grupo de mujeres decidió organizarse y levantarse en contra de la junta militar. Así, el 30 de abril de1977, aparecieron por primera vez en la Plaza de Mayo de Buenos Aires, exigiendo conocer la verdad sobre sus familiares desaparecidos. Durante muchos años vinieron todos los jueves por la tarde a caminar por la Plaza, alrededor de la Pirámide de Mayo, símbolo de la Libertad. El mundo entero saludó la valentía de aquellas mujeres que se atrevían a enfrentarse con el poder militar. Sólo con su presencia y sus palabras, reclamaban verdad, justicia y castigo por las violaciones de los derechos humanos. Así se convirtieron en el símbolo de la lucha solidaria y su ejemplo se extendió a otras madres de desaparecidos y presos políticos del mundo entero…
Hoy en día – y debido sobretodo a la trágica actualidad, con todos los desaparecidos a causa del terrorismo-, todas estas mujeres permanecen vivas en nuestras memorias. Prueba de ello es el espectáculo “Terre des Folles”.
• Entrevista a France BASTOEN, protagonista de “Terre des Folles”
F.T. : France , tu joues actuellement dans le spectacle « Terre des Folles » au Zut Théâtre…. Pourquoi avoir choisi de jouer dans ce nouveau lieu théâtral ?
F.B. : Ce lieu s’est ouvert à l’initiative de Georges Lini, un ami, metteur en scène et comédien de ma génération, un peu en mal d’espace pour sa création et ses désirs…comme pas mal d’autres jeunes artistes d’ailleurs ! Il a eu cette folie, ce cran, cette fougue et j’ai dit oui quand il m’a proposé de le suivre dans l’aventure de « Terre des Folles ». J’aime qu’on s’enrage pour que ces paroles existent –« enragez-vous », c’est le slogan de la saison au Zut,- et je souhaite que cet élan rencontre de quoi le consolider… Un soutien financier par exemple ?…
F.T. : Et pourquoi avoir choisi justement ce spectacle qui peut paraître assez mineur , .. alors qu’on t’a vue interpréter de grands rôles féminins : Ismène (« Antigone » de Bauchau), Hermione (« Le conte d’hiver » de Shakespeare), Marta (La grande magie » d’Ed.de Filippo), Lolita (d’après le roman de Nabokov) et travailler ainsi sous la direction de metteurs en scène comme Daniel Scahaise, Dominique Serron, Christine Delmotte…
F.B. : Y-a-t-il du théâtre mineur ? Je pense qu’un des intérêts de ce texte est justement qu’il s’agisse d’une forme entre narration et jeu et pas une structure dialoguée classique. Tu cites Lolita, mais ce n’est pas un texte théâtral non plus au départ. L’enjeu était justement de faire entrer le spectateur dans la tête d’Humbert en prise aux moments de sa vie qui se rejouent, à ses états d’âme, à ses remords, à ses monstres, et pour ce faire, les codes classiques théâtraux étaient sans cesse interrogés.
Quant à « Terre des Folles », je le vis comme un hommage poétique à des femmes argentines qui n’ont rien à envier à Ismène ou Hermione dans l’intérêt qu’on peut leur porter, voire même dans la dimension tragique de leur destin, car malheureusement le réel rejoint là la fiction…
F.T. : Pourquoi jouer ce thème des Folles de la Place de Mai, penses-tu que c’est un thème toujours actuel ? Penses-tu que ce thème puisse encore toucher le public ?
F.B. : S’il n’y avait plus aujourd’hui de disparus, de torturés, de droits bafoués, de femmes méprisées, de vies brisées, de tortionnaires impunis… dans le monde, je dirai que oui, le thème est dépassé ! Laurence Cossé est venue voir le spectacle. Ce qui l’a le plus remuée, c’est que cela a été écrit il y a trente ans, aujourd’hui elle écrit sur les femmes tchétchènes et rien n’a changé ! Quant au public, je n’oublierai jamais le témoignage d’un spectateur argentin me livrant les deux pointes de son émotion : au moment le plus intime (Lizzi a oublié qui est son mari, elle ne se souvient que de son odeur, l’odeur du tabac) et le plus universel (Clara n’a pas de consigne à donner, des femmes se lèvent, pas besoin d’organisation. Elles ne sont pas une internationale, elles sont la moitié du monde!)
F.T. : Comment la metteure en scène, Laurence Cossé a-t-elle composé le texte ? au départ de journaux, de témoignages, du roman de Elsa Osorio, « Luz ou le temps sauvage » ?…
F.B. Je pense que Laurence Cossé n’avait pas nécessairement de projet théâtral pour ce texte, mais plutôt un film documentaire qui n’a pas abouti. Elle a recueilli des articles de presse de l’époque et les a reliés par un fil descriptif qui donne le diapason, l’atmosphère, les contours d’un lieu, les lumières, la chaleur ou le froid, les couleurs… Avant qu’il ne soit représenté aujourd’hui au théâtre, ce texte a existé sous forme de projet radiophonique qui est passé sur France Culture.
F.T. : Pourrais-tu commenter le titre du spectacle : Terre des folles,…. pourquoi ce mot « Terre » ?
F.B. : Parce qu’elles tournent, parce qu’elle sont de plus en plus nombreuses, parce qu’elles dépassent les frontières, parce que c’est la force de leur silence plein de mots, leur « folie », qui leur rend le monde.
F.T. : Dans le spectacle interprètes-tu un seul rôle ou plusieurs ? … On a aussi l’impression que c’est toi qui entraînes les autres… Est-ce juste ?
F.B. : Peut-être parce que je suis responsable du fil narratif, celle qui se souvient des années après devant vous ce soir, qui tente de raconter, d’évoquer, de suggérer, d’inviter au voyage. Cette femme narratrice est peut-être aussi Clara, la leader, qui est à la source du mouvement, et puis il y Amalia, la plus vieille. Des femmes de sagesse et de mémoire… Loin de moi d’ailleurs, j’ai 33 ans, ce qui est la preuve que nous n’essayons pas le les représenter de manière réaliste, mais bien de laisser le récit les faire apparaître.
F.T. : Et tes trois compagnes ?
F.B. : Françoise est celle qui a perdu son mari, qui tourne en rond dans sa cage de solitude et puis au contraire sera celle qui s’ouvre davantage au monde en colportant les nouvelles. Erika est la jeunesse, tandis que Miriam est surtout la femme-mère.
F.T. : Comment avez-vous mené le travail de mise en scène , en travaillant d’abord la voix ou en travaillant simultanément la voix et la chorégraphie des pas ?
F.B. : D’abord un travail à la table pour ne pas passer à côté du sens, de ce qu’il y a à dire, pour définir les lignes d’interprétation, mais très vite nous sommes passées sur le plateau pour tenter de répondre par nos improvisations, propositions…aux demandes de Marine Haulot, la metteure en scène, porteuse d’un univers gestuel précis.
F.T. : Et maintenant, quels sont tes projets ? Dans quel spectacle vas-tu t’engager ?
Je continue un formidable travail de compagnonnage avec Dominique Serron. Nous préparons « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux où j’ai la chance d’aborder Silvia. Mais dans l’immédiat, je serai au Théâtre des Martyrs dans « Le baladin du monde occidental », sous la direction de Marcel Delval.
F.T. : France, merci pour ces réponses, merci d’avoir donné un peu de ton temps …
En tout cas je n’oublie pas ce grand moment d’émotion que toi et tes compagnes comédiennes avez donné au public…
F.B. : C’est à moi de dire merci pour cet espace d’expression que tu donnes aux artistes…
5/05/02, entrevista realizada por Françoise TOUSSAINT